Recherche action participative : changer les rapports entre science et société pour faire face aux défis écologiques

L’urgence d’imaginer des solutions nouvelles pour rendre nos sociétés plus résilientes face aux crises s’est fait sentir bien avant l’émergence de la pandémie de COVID-19. Mais la crise sanitaire a rendu cette nécessité plus saillante encore. De nombreux journalistes et scientifiques ont fait le parallèle entre cette pandémie et le dérèglement climatique : il s’agit de menaces globales affectant sinon l’intégralité de l’humanité, du moins la majeure partie, et surtout les individus les plus vulnérables, posant ainsi la question de l’adaptation de nos sociétés aux changements en cours et à venir.

Pour affronter la pandémie comme le changement climatique, la majorité des décideurs et décideuses s’en remettent à la science : elle est systématiquement désignée comme source d’innovations salvatrices, en oubliant parfois le rôle ambivalent qu’a pu jouer la recherche techno-scientifique dans les catastrophes écologiques en cours. On ne peut en effet ignorer que le développement économique moderne fondé sur les combustibles fossiles a été rendu possible entre autres par la recherche techno-scientifique. En se focalisant sur des objectifs avant tout industriels et économiques, les sciences ont prêté peu d’attention aux implications écologiques des innovations qu’elles ont mises en œuvre, et à leurs influences sur les sociétés humaines. 
A l’heure actuelle, l’ampleur des menaces que font peser le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité sur nos sociétés nous oblige à repenser les objectifs de la science et le concept d’innovation. Pendant que la plupart des scientifiques ont une production qui ne se soucie que peu de son impact social et environnemental, d’autres prennent conscience de l’absurdité qu’il y a à solliciter le système techno-scientifique pour corriger des problèmes qu’il contribue lui-même à créer. Une mise en cohérence écologique s’impose. Certains chercheurs et chercheuses ont ainsi lancé des initiatives comme l’Atelier d’écologie politique ou Labo 1.5 pour repenser le fonctionnement de la science à l’heure de la crise écologique. Quoique participant à une transformation des pratiques, ces initiatives restent relativement marginales et n’ont pas encore débouché sur un changement systémique. Or pour que les institutions scientifiques soient à la hauteur des défis qui se trouvent face à nous, un tel changement doit passer par une redéfinition de ce qu’est le progrès et l’innovation scientifique, faisant de la résilience et de la durabilité des critères indispensables. En étant intégrée dans leurs missions et critères d’évaluation, cette nouvelle conception permettrait à l’ensemble des scientifiques de contribuer positivement à la transition écologique et à l’adaptation de nos sociétés.

Parmi les pratiques scientifiques prometteuses pour faire face aux enjeux de la crise écologique, la recherche action participative, parfois appelée aussi « sciences citoyennes » ou simplement « recherche participative », offre une alternative aux modèles classiques de recherche et développement. Ces approches, qui trouvent leur origine dans divers courants de pensée comme l’éducation populaire ou le pragmatisme, reposent sur l’inclusion de non-scientifiques dans la conception et la mise en œuvre de projets de recherche (1). De ce fait, ce sont des approches qui prennent les besoins et les interrogations de la société civile comme point de départ, et poursuivent comme objectif final la production de connaissances au service de l’action, qui contribuent à l’intérêt général. Ce sont donc globalement des approches qui, beaucoup plus que les processus de décision politique et scientifique traditionnels, permettent la sollicitation et l’investissement fructueux d’acteurs et actrices de terrain dans la réflexion écologique. Elles sont notamment portées en France par l’association Sciences Citoyennes depuis sa création en 2002 (2). Le mouvement des Boutiques de Sciences, né dans les années 1970 aux Pays-Bas, adopte une posture similaire : ces organisations jouent un rôle d’intermédiaire entre l’université et la société civile, permettant aux universitaires de fournir un support de recherche pour répondre aux préoccupations des citoyen·ne·s. Les Boutiques de Sciences restent encore peu nombreuses en France. Il en existait à Cachan et à Grenoble, et aujourd’hui trois boutiques sont actives à Lille, Lyon et Montpellier (1,3). Au niveau mondial, elles sont près d’une centaine (1). 

Qu’elle se fasse ou non par l’intermédiaire d’une boutique de sciences, la recherche action participative permet à la société civile de proposer un sujet de recherche, de se former aux méthodes de recherche scientifique, de les enrichir ou les faire évoluer (4), tout en co-construisant de nouvelles connaissances avec une équipe de recherche. La notion de co-construction et d’implication des citoyen·ne·s à tous les stades du projet est centrale dans la définition de ce qu’est la recherche action participative : il existe de nombreux programmes de recherche qui se revendiquent participatifs mais où l’implication des citoyen·ne·s est restreinte et ne consiste souvent qu’à collecter des données en suivant une question de recherche et un protocole prédéfinis par des scientifiques. Ce type de programme est très répandu dans le domaine des sciences naturelles, et est généralement désigné par le terme de « sciences participatives » (1,5). Même si cette approche peut être intéressante pour les scientifiques, en leur permettant de collecter un grand nombre de données à moindre coût, elle n’a pas le même objectif de démocratisation de la science que les projets de recherche action participative. A l’inverse, dans le cas de la recherche action participative, il ne s’agit pas simplement pour les scientifiques d’avoir recours à une main d’œuvre bénévole dans le grand public pour récolter des données : il s’agit de faire des citoyen·ne·s des commanditaires du projet de recherche, et de les inclure de bout en bout dans sa conception et son déploiement, par une collaboration d’égal à égal dans la prise de décision (6). La relation hiérarchique entre savant·e·s et profanes laisse place à un « rapport de dialogue et de coproduction des connaissances et des innovations » (7).

Ainsi, si l’on se réfère à des typologies qui théorisent les différents modes de participation citoyenne, la recherche action participative doit être distinguée d’autres approches où l’implication des citoyennes et citoyens peut être relativement passive, comme dans les travaux de « sciences participatives » (8,9). Ces programmes présentent les limites déjà identifiées de nombreuses procédures de démocratie participative, à savoir une possible instrumentalisation des citoyen·ne·s ou des désillusions quant au réel pouvoir d’action. Au contraire, le parti-pris de la recherche action participative est celui du partage du pouvoir décisionnel et d’une reconnaissance de la légitimité d’autres formes de savoir. C’est cette nouvelle manière de faire de la science qui est mise en avant dans le manifeste du Groupement de Recherche Participatory Action Research and Citizen Science (GDR PARCS). Cette vision est aussi celle que défend l’association Sciences Citoyennes, et qu’elle a souhaité mettre en œuvre dans l’initiative Horizon Terre (Toutes et tous ensemble pour une recherche responsable et engagée). Ce projet visant à proposer des scénarios de recherche alternatifs pour l’Europe, afin de favoriser une « science non faite », mêle scientifiques et membres du milieu associatif, dans le but d’une co-élaboration des futurs objectifs de recherche, au plus près des préoccupations sociétales et en lien avec les défis écologiques et climatiques actuels. 


De fait, en donnant la parole aux praticien·ne·s et citoyen·ne·s « lambda » dans la définition des sujets de recherche, les initiatives de recherche participative leur permettent d’apporter des réponses à des besoins et des questions spécifiques qui n’étaient pas forcément abordées par la recherche classique (10). Ces initiatives se portent sur des sujets très divers (11), et les thématiques environnementales, qui sont des sujets de préoccupation importante pour le grand public, sont très souvent privilégiées. Ainsi, un projet sur les jardins privés dans la transition écologique a été lancé à l’initiative d’un groupe d’habitant·e·s de l’association Marigny Biodiversité, en partenariat avec une chercheuse de l’Université de la Rochelle (12). Un autre exemple est le projet « AirCastingBxl » à Bruxelles, qui porte sur la pollution de l’air et est co-construit entre le Cosmopolis Centre for Urban Research et l’association Citizen Action Brussels. C’est d’ailleurs loin d’être le seul travail de recherche action participative portant sur la pollution de l’air, car il s’agit d’une question de santé environnementale qui suscite beaucoup l’inquiétude des citoyennes et citoyens : on peut aussi citer le projet « Ambassad’Air » à Rennes, ou encore le projet « BREATHE » à Montpellier et Toulouse, où les scientifiques travaillent main dans la main avec les habitant·e·s d’une  rue “canyon” pour mesurer la pollution de l’air.  

Face aux défis écologiques, les approches participatives sont particulièrement pertinentes : en plus de rapprocher la société civile de la science, et d’en rendre ainsi le fonctionnement plus démocratique, elles apportent également un gain d’efficacité dans le développement de solutions adaptées à la fois au contexte local et global. En effet, pour développer des solutions efficaces localement dans le cadre de la transition écologique, les scientifiques ont tout intérêt à prendre en compte le regard des acteurs et actrices de terrain. Par exemple, si l’objectif est de développer de nouvelles semences qui requièrent peu d’irrigation tout en étant adaptées aux spécificités d’un terroir, il est précieux pour un ou une chercheuse agronome de s’appuyer sur les connaissances de ce terroir détenues par les paysan·ne·s, et de les consulter pour s’assurer que ces semences seront effectivement adaptées à leurs besoins. Dans une publication récente, des scientifiques ont souligné les bienfaits des approches participatives pour la recherche agronomique, avec en premier lieu l’efficacité éprouvée de ces méthodes, qui permettent une adoption plus rapide des solutions par les acteurs et actrices de terrain, mais aussi la durabilité accrue de ces solutions (13). Par exemple, les nouvelles variétés de blés développées par des agronomes de l’INRAE et des paysan·ne·s boulanger·e·s directement dans leurs fermes ont permis de créer des variétés-populations non-homogènes (donc plus résilientes), qui s’adaptent non seulement au milieu local mais également aux évolutions climatiques (14). Ces semences plus résilientes et ces nouvelles connaissances n’auraient probablement pas pu être développées à travers une recherche classique. En effet, c’est parce que ces semences ne sont pas développées dans les laboratoires de l’INRAE mais directement en conditions réelles, et c’est parce qu’elles sont sélectionnées grâce aux savoirs des scientifiques et des paysan·ne·s, qu’elles sont adaptées au terroir et qu’elles sont plus résilientes aux maladies et au changement climatique. 

Dans le secteur de la construction, la recherche participative peut aussi être adaptée pour favoriser le développement de solutions écologiques. Alors que traditionnellement les constructeur·rice·s utilisaient exclusivement des matériaux locaux pour bâtir, l’invention de matériaux dont la production émet une grande quantité de gaz à effet de serre a apporté des plus-values techniques, mais avec pour contrepartie une augmentation de l’impact environnemental de la construction, et la dépossession pour les constructeur·rice·s de la connaissance des ressources. Des efforts visent à re-développer une approche plus écologique de la construction depuis les années 80 en France. Certaines démarches sont basées sur des matériaux locaux pour lesquels il n’existe pas de producteur·rice unique assurant une commercialisation en filière longue. C’est le cas de la construction en paille, en terre crue, de certaines filières chanvre en circuits courts ou de la construction en pierre (3). L’absence de grands groupes industriels assurant une marge sur un volume de production important rend très difficile le financement de recherches pour développer ces filières. C’est aussi une opportunité, car ces filières peuvent alors se développer en réalisant des travaux de recherche et développement au bénéfice de tous les acteurs, sans mécanisme d’appropriation des résultats par un·e producteur·rice au détriment d’un·e autre. Cette pratique permet aussi de redonner un équilibre dans le processus de création de connaissance, en intégrant celles et ceux qui produisent (agriculteur·rice·s par exemple) et celles et ceux qui construisent (architectes, bureaux d’études, artisan·ne·s…).

 

La recherche action participative est donc pertinente pour faire face aux défis écologiques pour de multiples raisons : d’abord parce qu’elle permet le croisement de compétences théoriques et pratiques pour résoudre ces problèmes qui sont par essence complexes, multi-acteurs et coûteux. Cela permet à la fois d’assurer l’adaptation locale des solutions durables, mais également leur appropriation : le passage à la sobriété énergétique, la préservation de la biodiversité et des ressources demandent d’importants investissements financiers, des efforts ou des changements d’habitudes pour l’ensemble des individus, territoires et organisations. L’approche participative permet de mieux comprendre les potentiels blocages et réticences des différents acteurs, et de développer des solutions prenant en compte leurs contraintes. Par ailleurs, la nature démocratique et décentralisée du processus participatif est aussi un atout écologique majeur, dans la mesure où elle encourage l’autonomie des populations locales et leur montée en compétence. Plusieurs études récentes de psychologie sociale suggèrent que percevoir une initiative écologique comme étant issue d’un processus bottom-up, c’est-à-dire lancée par la base d’une organisation et pas uniquement par l’instance dirigeante, renforce l’identité écologique des membres du groupe et les motive à agir de manière éco-responsable (15). La recherche action participative portant sur des projets écologiques pourrait donc présenter le triple bénéfice de réorienter les efforts des scientifiques vers la production de connaissances appliquées à des problèmes locaux, de proposer des solutions durables adaptées aux besoins des acteur·rice·s de terrain, et de renforcer leurs moyens d’agir et leur sentiment d’appartenance à un mouvement écologique.

 

Du fait de ces moyens potentiels de démocratiser la science et de gagner en efficacité dans le développement d’innovations durables, la recherche action participative suscite un grand engouement. Ainsi, l’appel à projets CO3 (Co-construction des connaissances) dédié à la recherche participative entre scientifiques et associations a reçu un grand nombre de propositions, soulignant l’intérêt du monde académique pour ce type de démarche.  Les approches de recherche participative commencent peu à peu à être introduites dans les formations doctorales, et ont donné lieu à divers ouvrages et outils méthodologiques (16). Du côté de la société civile organisée, les associations et entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire prennent aussi conscience de l’intérêt que peuvent constituer les projets de recherche qui intègrent une approche participative. Ainsi, le programme « Nouveaux Commanditaires de sciences » mis en œuvre par la société coopérative l’Atelier des jours à venir est soutenu par la Fondation de France (17). Cette volonté de mettre des non-expert·e·s dans le rôle de commanditaires de science repose sur une conception ambitieuse de la participation, que des représentantes de l’Atelier des jours à venir et de la Fondation de France ont récemment défendue dans une tribune au Monde.
Mais bien que la recherche participative bénéficie non seulement d’une popularité mais aussi d’une reconnaissance institutionnelle croissante (11), elle ne constitue pourtant toujours pas un critère pour valoriser les carrières scientifiques, qui s’évaluent encore avant tout au nombre de publications dans des grandes revues scientifiques. En France, le manque de valorisation, d’incitation et de formation à ce sujet fait qu’il est difficile pour les universitaires de se lancer dans de telles initiatives (1). D’autre part, le faible soutien financier et des logiques d’autocensure sont des obstacles pour les associations à prendre le temps de s’investir dans des projets de recherche (18). Les termes de co-construction et de co-création sont pourtant à la mode aussi bien dans la bouche des militant·e·s du monde associatif que dans celle de l’administration française et de certaines entreprises. Mais les faibles montants de financement et le manque de valorisation de la part des acteurs institutionnels de la recherche montrent que ce discours peine encore à se traduire en soutien effectif.

Les dispositifs de financements dédiés à la recherche participative sont effectivement encore assez rares en France : au niveau national, un des seuls dispositifs publics existants est l’appel à projet CO3, lancé par l’ADEME et des bailleurs privés en 2018, à l’initiative de l’association Sciences Citoyennes. D’emblée orienté sur les thématiques environnementales et agronomiques, cet appel à projet montre que la démarche participative a été identifiée comme clé pour l’innovation écologique. Au niveau régional, différents programmes de financement ont été mis en place par le passé, comme le programme ASOSC (Appropriation Sociale des sciences) en Bretagne entre 2006 et 2014, Chercheurs-citoyens dans le Nord-Pas de Calais, ou encore les Partenariats Institutions Citoyens pour la recherche et l’Innovation (PICRI) en Ile-de-France (mis en place grâce au soutien de Sciences Citoyennes), qui ont ensuite été supprimés. Étant donné que de nombreuses problématiques environnementales nécessitent une action au niveau local, relancer et systématiser ces programmes régionaux de recherche participative serait un moyen de favoriser l’application effective de la recherche scientifique aux enjeux écologiques. 

 

Les pratiques de recherche action participative sont plus solidement ancrées dans d’autres pays comme le Canada, les États-Unis ou l’Inde, qui ont souvent des financements plus conséquents dédiés à ce type de programmes, désignés par les termes de participatory action research et community-based research. Ainsi de 1999 à 2011, le Conseil de Recherche en Sciences Humaines canadien a consacré un budget d’environ 4 millions de dollars par an au dispositif « Alliances de Recherche université – communauté » (ARUC). Les organismes subventionnaires fédéraux ou provinciaux canadiens ont développé depuis des appels à projet auxquels les chercheur·se·s et organisations autochtones peuvent répondre comme porteurs. Ces financements, assortis de lignes directrices et de recommandations sur la manière de procéder, permettent d’appuyer les priorités de recherche identifiées par les communautés autochtones. Par ailleurs, l’UNESCO a établi en 2012 une chaire intitulée Chair in Community-Based Research and Social Responsibility in Higher Education, basée à la fois à l’Université de Victoria au Canada et dans le centre de recherche de la Society for Participatory Research in Asia (PRIA) de New Dehli. En Inde, le mouvement pour la « décolonisation des savoirs » a en effet permis un ancrage solide de la recherche participative, de même que dans plusieurs pays sud-américains et africains (19). 

Au niveau européen, la recherche participative a tout de même trouvé une place dans les programmes cadres de recherche (7). En témoigne la présence du plan d’action « Science en Société » dans le septième programme cadre en 2007, qui est ensuite devenu « Science avec et pour la Société » dans le programme Horizon 2020 (20). Ce changement d’orientation, accompagné d’une hausse budgétaire significative, signale que la nécessité d’accorder une place plus importante aux citoyennes et citoyens dans la science a été reconnue y compris par les institutions européennes (7). Mais cette reconnaissance reste toute relative, dans la mesure où le plan d’action « Science avec et pour la Société » est désormais intégré à un autre plan plus général, et a donc vu sa future dotation baisser drastiquement dans le prochain programme cadre Horizon Europe (21). 

Le maintien d’un financement dédié au niveau européen est pourtant fondamental pour soutenir les initiatives de recherche participative, d’autant qu’elles ne sont pas uniquement pertinentes au niveau local : certains programmes de recherche participative initialement à visée uniquement régionale ou locale ont permis de soulever des questions pouvant être expatriées à d’autres terrains de recherche. C’est le cas du projet proposé par des habitant·e·s d’un bidonville de la banlieue de Lisbonne dans le cadre du programme « Nouveaux Commanditaires de sciences », portant sur l’évolution du trait de côte et le risque de submersion de leur habitat : en répondant à des inquiétudes locales, la recherche qui a été conduite dans ce bidonville a mis en évidence des processus estuariens spécifiques, et va mener à d’autres travaux visant à vérifier si ces phénomènes se retrouvent dans des contextes différents (12). 

Ce type de recherche menée « autrement » nécessite, en plus de financements publics ou privés adéquats, un dispositif d’accompagnement dédié, à l’instar du dispositif de tiers-veilleur développé par Sciences Citoyennes, qui a pour but d’introduire une facilitation entre les citoyen·ne·s non expert·e·s et les scientifiques, et apporte un regard réflexif à la co-construction (22). Un effort important dans le déploiement de formations est également nécessaire pour permettre à chacune et chacun de se familiariser avec les outils, les techniques et les moyens de mener des travaux de recherche action participative (23). Une nouvelle génération de chercheur·se·s citoyen·ne·s s’empare de ces approches avec enthousiasme, car elles répondent à leurs valeurs et à leur désir de mettre la science au service de la réponse aux grands défis sociétaux que sont le climat, la biodiversité et la santé des habitant·e·s de demain. 

Références : 

  1. Storup B, Millot G, Neubauer C. La recherche participative comme mode de production de savoirs. Un état des lieux des pratiques en France Fondation sciences citoyennes. 2013; 
  2. https://sciencescitoyennes.org/rptextescontenusreference-2-2/. 
  3. https://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2020/10/Brochure_TSS_2020_v12.pdf. 
  4. Demeulenaere É, Goldringer I. Semences et transition agroécologique: initiatives paysannes et sélection participative comme innovations de rupture. Natures sciences sociétés. 2017;(Supp. 4):55‑9. 
  5. https://www.mouvement-up.fr/articles/le-succes-des-sciences-participatives/. 
  6. Blangy S, Bocquet B, Fiorini C, Fontan J-M, Legris M, Reynaud C. Recherche et innovation citoyenne par la Recherche Action Participative. Technologie et innovation. 2018; 18‑4 (N° spécial Technosciences et Innovations Citoyennes). 
  7. Le Crosnier H, Neubauer C, Storup B. Sciences participatives ou ingénierie sociale: quand amateurs et chercheurs co-produisent les savoirs. Hermès, La Revue. 2013;(3):68‑74. 
  8. Pimbert MP. Participatory research and on-farm management of agricultural biodiversity in Europe. IIED; 2011. 
  9. Arnstein SR. A ladder of citizen participation. Journal of the American Institute of planners. 1969; 35(4):216‑24. 
  10. Blangy S, Lhoste V, Arnal C, Carré J, Chapot A, Chuine I, et al. Au-delà de la collecte des données dans les projets de sciences citoyennes : ouvrir le champ de l’analyse et de l’interprétation des données aux citoyens. Technologie et innovation. 2018; 18‑4 (N° spécial Technosciences et Innovations Citoyennes). 
  11. Houllier F, Merilhou-Goudard J-B. Les sciences participatives en France: Etats des lieux, bonnes pratiques et recommandations. Les sciences participatives en France (2016). 2016; 
  12. https://www.joursavenir.org/activities/ncs/demarches. 
  13. Van De Gevel J, van Etten J, Deterding S. Citizen science breathes new life into participatory agricultural research. A review. Agronomy for Sustainable Development. 2020;40(5):1‑17. 
  14. https://reporterre.net/Face-au-changement-climatique-les. 
  15. Jans L. Changing environmental behaviour from the bottom up: The formation of pro-environmental social identities. Journal of Environmental Psychology. févr 2021; 73:101531. 
  16. Chevalier JM, Buckles DJ. Participatory action research: Theory and methods for engaged inquiry. Routledge; 2019. 
  17. https://www.joursavenir.org/activities/ncs/protocole. 
  18. Contamin J-G, Legris M, Spruyt É. Dossier: Des recherches participatives dans la production des savoirs liés à l’environnement–La participation de la société civile à la recherche en matière d’environnement: les citoyens face au double cens caché participatif. Natures Sciences Sociétés. 2017; 25(4):381‑92. 
  19. Hall BL, Tandon R. Decolonization of knowledge, epistemicide, participatory research and higher education. Research for all. 2017;1(1):6‑19. 
  20. https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/research_and_innovation/research_by_area/documents/ec_rtd_swafs_achievements_and_recommendations_report.pdf. 
  21. http://www.sisnetwork.eu/media/sisnet/open_letter_science_society_citizens_horizoneurope.pdf. 
  22. https://sciencescitoyennes.org/note-tiers-veilleur/. 
  23. https://websie.cefe.cnrs.fr/gdrparcs/formations/. 

Aurore Grandin (INSERM, ENS), Sylvie Blangy, (CEFE, CNRS), Camille Besombes, Charlotte Coquard, (membres de l’association Sciences Citoyennes).

Avec la contribution d’Arthur Hellouin de Menibus, membre de Sciences Citoyennes.

Sciences Citoyennes est une association fondée en 2002 et visant à favoriser le mouvement de réappropriation citoyenne de la science pour la mettre au service du bien commun et démocratiser les choix scientifiques et techniques. Poursuivant cet objectif, l’association travaille notamment à la démocratisation de l’orientation de la recherche et à la responsabilité scientifique, à la production d’analyses critiques des techno-sciences et au renforcement du tiers-secteur scientifique. Dès 2004, l’association avait organisé les Rencontre du Tiers-secteur Scientifique ; puis a grandement contribué à la mise en place des dispositifs de financements dédiés à la recherche participative, comme les PICRI ou plus récemment le programme CO3. Le rapport « La recherche participative comme mode de production de savoirs. Un état des lieux des pratiques en France » publié en 2013 par l’association, ou plus récemment les travaux sur le « Tiers-veilleur » comme accompagnement de la recherche participative, sont des ressources centrales en France pour le renforcement de la recherche participative.

Illustration : Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire de fortune de l’École municipale de physique et de chimie industrielles, vers 1906.

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